Séjour à Tulkarem, petite ville du Nord-Ouest de la Cisjordanie
 


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A la suite des accords d'Oslo, en 1993, les Israéliens acceptent de se retirer de certaines villes qu'ils occupaient jusque là en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, les deux zones formant la Palestine. Huit villes passent ainsi en " zone A", devenant des territoires palestiniens autonomes. Parmi ces villes, on trouve Jéricho, Béthlehem, Naplouse, mais aussi Tulkarem, à quelques kilomètres de la frontière israëlo-palestinienne. C'est dans un petit village voisin que nous avons partagé, deux semaines durant, la vie d'une famille palestinienne (cf carnet de route).

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Le charme particulier de ce village réside dans le calme de ses rues en pente, bordées de petits immeubles de un ou deux étages. Contrairement au Maroc ou à la Tunisie, l'extension des villages se fait verticalement et non horizontalement. En effet, dans des régions frontalières comme celles de Tulkarem, les expropriations nombreuses de terrains par les Israéliens ont provoqué une augmentation drastique du prix des terrains et conduit à une concentration des lieux d'habitat. Le village ressemble à première vue à une petite ville. Mais tout autour, la nature règne, sous forme de terrains en friche ou de champs cultivés...

Les enfants évoluent librement dans ce décor, avec une préférence pour les rues, qu'ils dévalent sur des engins de leurs constructions, pas toujours très stables d'ailleurs! Les adultes, eux, s'invitent de terrasses en terrasses à prendre le thé ou le café. Cela est essentiellement vrai pour les femmes, qui travaillent rarement en dehors de la maison. Comme les tâches ménagères prennent moins de temps qu'autrefois, en raison d'un meilleur équipement (machine à laver...), et d'une famille plus réduite, la part de temps libre a tendance à augmenter. Les familles de dix enfants étaient chose courante une ou deux générations auparavant, mais la norme est à la baisse, avec quatre à cinq enfants par foyer aujourd'hui. Et ce chiffre est amené à diminuer encore, deux enfants, un garçon et une fille si possible, étant de plus en plus considéré comme idéal.

 

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Les parents désirent offrir une bonne éducation à leurs enfants, ce qui suppose des frais importants, quitte à avoir une famille moins nombreuse. On assiste ainsi à l'apparition d'écoles spécialisées et privées, où les disciplines telles que l'anglais et l'informatique sont dispensés dès l'âge de cinq ou six ans. L'école traditionnelle, quand à elle, n'est pas mixte. Partout, la seule langue enseignée est l'anglais, et les enfants n'apprennent pas l'hébreu au cours de leur scolarité, bien qu'il soit parlé à une centaine de mètres seulement. Sans le satellite, les Palestiniens ne captent que quatre chaînes, dont deux israéliennes. Aussi les enfants, à force de regarder des émissions en langue juive, parviennent à en comprendre le sens, favorisés par la ressemblance des deux langues. Par exemple, Salam (bonjour) se dit Shalom, Ioume (le jour) Yom, Alf (mille) Alef... De plus, nombre de Palestiniens traversent chaque jour la barrière séparant la Cisjordanie d'Israël, les salaires étant plus élevés de l'autre côté de la frontière ( même s'ils restent très inférieurs à ceux des Israëliens pour un même emploi). Ainsi, bien qu'il n'y ait pas d'apprentissage formel de l'hébreu en Palestine, nombreux sont les Palestiniens, petits ou grands, qui l'ont appris par eux-mêmes, surtout dans cette région frontalière...

 

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Le peuple palestinien est fortement touché par le phénomène de l'exil. Sur les huit millions de Palestiniens estimés dans le monde, seulement trois millions et demi résident encore entre la Cisjordanie, la bande de Gaza et Israël. Ainsi, plus de la moitié du peuple palestinien vit en dehors des territoires, essentiellement à la suite des conquêtes israéliennes de 1948 et 1967, qui ont chassé de nombreux palestiniens de leurs villages. Les trois quart se sont réfugiés dans les pays du Moyen-Orient, principalement en Jordanie (2.2 millions). Ces exilés partis s'installer en Egypte, dans les Emirats Arabes, et même jusqu'au Pakistan, reviennent au pays une fois l'an, pour les vacances d'été. Les maisons se remplissent alors de matelas en tous sens et de cris d'enfants... Pour fêter ces retrouvailles, les repas de famille sont une bonne occasion de se réunir autour d'une immense table couverte de riz aux pignons, salades, légumes cuits, yaourt, poulet ou pigeons farcis. Le kanafi, gâteau au fromage et au miel, fait un excellent dessert...
C'est aussi à cette période que sont organisés les fiançailles et mariages, et les familles reconstituées un temps y participent avec allégresse. Ce ne sont pas des réceptions réservées à un cercle restreint d'amis et de membres de la famille, mais de grandes fêtes auxquelles tous peuvent prendre part. On y danse plutôt qu'on y mange et boit, en respectant la séparation des sexes. Un jour est réservé aux hommes, seuls autorisés à danser, sous le regard des femmes qui se tiennent à l'écart. À l'inverse, seules les femmes et les enfants sont conviés un autre jour à la séance de photos des fiancés. Les soirées se succèdent à un rythme fou, avec souvent plusieurs invitations pour le même jour. Sachant qu'un mariage dure quatre jours, il ne reste plus qu'à s'organiser pour être présent à toutes les fêtes!

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Suivant la tradition musulmane, la mariée ira vivre au côté de son nouveau mari, soit dans la maison familiale, soit dans leur propre maison s'il est parvenu à économiser assez d'argent. Comme il est très difficile de devenir propriétaire, au vu du prix des terrains dans cette région et des travaux à effectuer, il n'est pas rare que la maison familiale soit aggrandie, en construisant un étage supplémantaire le plus souvent, et que plusieurs frères y habitent dans des appartements séparés. La concentration familiale reste de mode dans les campagnes, et avec elle, c'est aussi la solidarité familiale qui se trouve conservée, les familles entretenant des liens très proches. Les personnes âgées doivent être logées par un des fils, l'ainé en général, et leur avis compte pour beaucoup dans les décisions familliales. Le rêve de nombreux parents est de pouvoir édifier leur propre maison, avec des dépendances pour leurs fils. Ils rêvent aussi que leurs enfants grandissent dans un monde meilleur, sans avoir à souffrir des abus israéliens et dans la paix... 
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Les traditions se sont conservées dans cette région et l'occupation israélienne, de 1967 à 1993, et qui continue encore dans plus de la moitié de la Cisjordanie, n' a fait que renforcer l'idée d'identité nationale, ainsi que le droit à un territoire palestinien autonome. Mais sous le gouvernement de Netanyaou, une politique de peuplement a été mise en place en Palestine, avec l'implantation de colonies juives sur tout le territoire. À quelques kilomètres de Tulkarem, perché sur une colline, on peut ainsi apercevoir un village entièrement peuplé de Juifs installés depuis peu, inaccessible aux Palestiniens. Un réseau routier reliant directement ces colonies à Israël a vu le jour à la même époque, sans concertation avec l'autorité palestinienne. Pour ce faire, certaines routes existantes ont été fermées au détriment des Palestiniens, et des terres ont été expropriées. Cette stratégie israélienne provoque un isolement grandissant des villes et villages palestiniens, combiné à une population juive de plus en plus nombreuse en Cisjordanie. Cela vise incontestablement à empècher la constitution d'un état palestinien en tant qu'entité indivisible, au profit d'enclaves encerclées par la présence israélienne. Espérons que la communauté internationale parviendra enfin à faire respecter les droits de l'homme dans cette région, et que les Palestiniens se verront reconnaître par l'état hébreu un territoire totalement libre et indépendant...

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Julie et Manu
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