"Melons,
avocats, olives, pommes de terre, blé et même bananes ou goyaves… : cette
simple énonciation symbolise la diversité et la richesse de l'agriculture
palestinienne. Cependant le problème crucial de l'eau, les expropriations
massives de terres de la part de l'Etat israélien et la commercialisation
inopérante des produits agricoles palestiniens annulent en partie les
atouts de cette agriculture et les efforts des agriculteurs palestiniens.[Haut]
Historiquement, la Palestine bénéficie d'un climat méditerranéen et d'une
suffisance en eau propices à l'agriculture. Depuis des milliers d'années,
cette région fait l'objet d'une exploitation agricole. Le Jourdain et
les hauteurs de Cisjordanie ont satisfait les besoins agricoles en eau
pendant longtemps. L'agriculture traditionnelle est celle du blé, de l'olivier
et des orangers. Elle s'est heureusement diversifiée : on y cultive désormais
la pomme de terre, la vigne, le maraîchage de légumes sous serre ou en
openfield. Maintenant, c'est au tour des fruits dits exotiques de connaître
un essor en raison de l'intérêt des consommateurs : melons, fraises, mangues,
bananes, goyaves se trouvent désormais dans les échoppes des maraîchers.
Cette diversité de cultures protège mieux les agriculteurs palestiniens
du risque d'effondrement des cours du marché, contrairement à la Tunisie,
où la plupart des petits agriculteurs pratiquent une unique culture de
rente, à savoir l'olivier dans la région de Sfax, ou le palmier-dattier
dans la Tunisie du Sud.[Haut]
Un autre atout de cette agriculture est sa modernité. L'agriculture
palestinienne est systématiquement tournée vers la vente, à la différence
de l'agriculture marocaine qui reste encore par endroits une agriculture
d'autosubsistance. Les surfaces cultivées sont certes petites, mais
les agriculteurs palestiniens ont fait face très tôt à cet handicap
(dès les années 70) par la culture intensive sous serre, à forte valeur
ajoutée proportionnellement à la surface cultivée. De plus, les travaux
agricoles comme le labourage et les moissons de blé sont généralement
mécanisés (l'usage de tracteurs et de moissonneuses-batteuses de location
est courant), ce qui a fait gagner des gains de productivité à cette
agriculture.[Haut]
Cette mécanisation ne supprime cependant pas le besoin d'une main d'œuvre
nombreuse pour les cultures maraîchères et aboricoles, qui constituent
l'essentiel de la production agricole. De fait, encore beaucoup de Palestiniens
vivent de l'agriculture. En effet, une exploitation agricole de deux
hectares suffit à faire vivre toute une famille, c'est à dire une dizaine
de personnes en moyenne. L'agriculture est donc une activité relativement
lucrative, pour l'agriculteur qui est prêt à " faire des heures ". Pour
les ouvriers agricoles, la situation est toute autre. L'exode rural
s'est accentué chez les jeunes Palestininiens, partis chercher du travail
dans les administrations palestininiennes ou en Israël, car les salaires
y sont en moyenne le double du ceux que l'on trouve du côté israélien.[Haut]
Cependant tous les efforts de l'agriculteur palestinien sont parfois
réduits à néant en raison des nombreux obstacles qui sont
sur sa route, à savoir principalement, la pénurie d'eau, les expropriations
de force de l'Etat israélien, et la marchandisation aléatoire de ses
produits.[Haut]
Les territoires palestiniens comprennent aujourd'hui la Cisjordanie
et la bande de Gaza. Si la bande de Gaza est une zone semi-désertique
alimentée en eau par une conduite qui sillonne tout le pays depuis le
lac de Tibériade, la Cisjordanie ne manque pas d'eau puisque son sous-sol
comprend d'importantes nappes phréatiques, ses hauteurs contiennent
de nombreuses sources et qu'en outre, elle borde le Jourdain sur sa
partie est. Toutefois, l'Etat hébreu exploite unanimement les nappes
phréatiques situées à cheval sur Israël et la Cisjordanie, ainsi que
celles dans la partie cisjordanienne de la vallée du Jourdain. La quasi-totalité
de l'agriculture israélienne n'étant possible qu'avec l'irrigation,
notamment les cultures du coton, de l'orange et de la pastèque, grandes
demandeuses d'eau, ainsi que les cultures du désert du Neguev, Israël
a fait main basse sur la maîtrise des ressources hydrauliques stratégiques
dans toute la région. Résultat, un Palestinien des Territoires autonomes
consomme en moyenne 90 mètres cube par an contre 450 mètres cube pour
un Israélien. Les Palestiniens estiment que 60% de l'eau de Cisjordanie
est soit consommée sur place par les colons, soit acheminée vers Israël.
De plus, les Palestiniens n'ont pas le droit de creuser de nouveaux
puits ni d'approfondir ceux qui existent au delà de 20 mètres, alors
que les colons peuvent creuser jusqu'à 80 mètres.[Haut]
Dès lors, lorsque l'année est marquée par la sécheresse,
comme c'était le cas l'année dernière avec une sécheresse sans précédent
depuis 1961, les conséquences sont désastreuses pour l'agriculture et
l'élevage. Les expropriations de terres constituent un autre problème
épineux. Ces expropriations de force en Cisjordanie et à Gaza par l'Etat
israélien pour y installer des colonies juives se sont poursuivies ces
dernières années sous l'impulsion notamment du gouvernement Netanyaou.
La confiscation par Israël de terres palestiniennes depuis les accords
de paix d'Oslo représenteraient 6.6% de la Cisjordanie. Les agriculteurs
palestiniens souffrent de ces violations qui touchent souvent des terres
cultivées et cultivables leur appartenant. Et les poursuites judiciaires
ne sont même pas envisageables contre cette politique de fait accompli
réalisée par l'armée israélienne au moyen de bulldozers militaires.
Ces expropriations accentuent d'autant plus la pression foncière : certaines
exploitations se réduisent en peaux de chagrin, et le prix des
terrains flambe. Tout cela est de mauvaise augure pour la survie des
petites exploitations agricoles.[Haut]
Enfin, la commercialisation des produits agricoles, encore empirique
et essentiellement limitée au marché local, constitue un autre obstacle
au développement de l'agriculture palestinienne. Tout d'abord l'inexistance
de coopératives et de réseaux de distribution freine l'export des produits
agricoles vers les autres pays arabes ou vers l'Europe. De plus, Israël
interdit toute importation palestinienne sur son sol et tente d'empêcher
l'exportation de produits palestiniens vers d'autres pays par tous les
moyens possibles (taxation irréaliste, interdiction pour non conformité...).
-Les revenus des agriculteurs ne sont pas du tout assurés car il n'existe
ni prix minimum ni quota sur les quantités. En cas d'année noire, comme
c'était le cas en 1999 avec la sécheresse, les agriculteurs connaissent
de graves difficultés financières.[Haut]
Ces différents obstacles mis en travers de l'agriculture palestinienne
ont certainement leur part de responsabilité dans le recul de moitié
de la contribution du secteur agricole dans le PNB palestininien entre
1989 (35 % du PNB) et 1999 (17 % du PNB). [Haut]
Conscients des dangers encourus par l'agriculture palestinienne et du
rôle économique et social des campagnes, quelques personnalités ont
fondé en 1983 les P.A.R.C., c'est à dire les Comités de sauvetage de
l'agriculture palestinienne. Depuis, la conscience collective a fait
son chemin et nombreux sont les volontaires palestiniens et les institutions
nationales et étrangères qui coopèrent avec cette O.N.G à la réalisation
de projets communs dans le domaine de l'agriculture ou de la mise en
valeur des campagnes palestiniennes. [Haut]
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